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vendredi 29 mars 2024

La mise à pied conservatoire

Mise à pied conservatoire : la convocation à l’entretien préalable au licenciement doit être adressée sans délai (Cour de cassation)

18/11/2013 – GRH et formation – Salaires et conditions de travail

Par Sandra Laporte – Liaisons Sociales Quotidien
PARIS, 18 novembre 2013 – Un délai de six jours entre le prononcé d’une mise à pied conservatoire et la convocation à l’entretien préalable est excessif, sauf à ce que l’employeur justifie d’un motif à ce délai, décide la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 30 octobre, qui réaffirme ainsi la nécessité, après le prononcé d’une mise à pied conservatoire, de convoquer sans délai le salarié à son entretien préalable à un éventuel licenciement.
Un éducateur spécialisé avait été mis à pied le vendredi 14 octobre 2005. L’employeur lui avait adressé, le jeudi 20 octobre, une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement. La procédure s’est ensuite soldée par un licenciement pour faute grave, le 8 novembre.
D’après le salarié, le délai séparant le prononcé de la mise à pied et l’envoi de la convocation était excessif et rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Rappelons en effet, que pour conserver un caractère conservatoire, la mise à pied doit présenter une proximité dans le temps avec l’engagement de la procédure de licenciement : elle doit être « suivie immédiatement de l’engagement d’une procédure de licenciement » (Cass. soc., 19 septembre 2007, n° 06-40.155).
Délai admissible
Concrètement, soit la convocation est notifiée le jour même, soit, et c’est le cas qui donne lieu à contentieux, elle intervient dans les quelques jours suivants. Selon les circonstances, le délai admissible peut alors varier : un délai de un à trois jours est en général toléré (Cass. soc., 20 mars 2013 n° 12-15.707 ; Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-45.286). Un délai de quatre jours a été jugé excessif (Cass. soc., 19 avril 2000, n° 98-41.924), mais pas un délai de 13 jours (Cass. soc., 13 septembre 2012, n° 11-16.434). Où faut-il exactement placer le curseur ? Les conséquences ne sont pas négligeables car si la mise à pied conservatoire est disqualifiée, le licenciement ultérieur sera déclaré sans cause réelle et sérieuse en vertu du principe « non bis in idem ». La mesure conservatoire prenant en effet une nature disciplinaire, le licenciement est regardé comme une seconde sanction appliquée aux mêmes faits.
Principe de simultanéité
Dans son arrêt du 30 octobre, la Cour de cassation ne fixe bien évidemment aucun délai préfix. Dans le droit fil de sa jurisprudence, elle réaffirme le principe d’engagement immédiat ou concomitant de la procédure de licenciement, tout en ouvrant la voie à un possible différé en fonction des circonstances. La décision énonce ainsi « qu’ayant relevé que l’employeur avait notifié au salarié sa mise à pied et qu’il n’avait engagé la procédure de licenciement que six jours plus tard sans justifier d’aucun motif à ce délai », il était possible d’en déduire « que la mise à pied présentait un caractère disciplinaire nonobstant sa qualification de mise à pied conservatoire et que l’employeur ne pouvait sanctionner une nouvelle fois le salarié pour les mêmes faits en prononçant ultérieurement son licenciement ».
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette décision : dans l’absolu, un délai de six jours entre le prononcé de la mise à pied et l’envoi de la convocation à entretien est de nature à disqualifier la mesure en mise à pied disciplinaire ; mais l’employeur conserve la possibilité de faire état d’un motif légitime justifiant un tel délai. Il ressort de certains précédents qu’un différé sera toléré à ce titre lorsqu’il apparaît indispensable à l’employeur pour mener à bien des investigations sur les faits reprochés et se déterminer sur la nécessité d’engager une procédure de licenciement pour faute grave (v. Cass. soc., 13 septembre 2012)
Fin de l’incertitude
Surtout, en confirmant le principe de simultanéité, la Cour de cassation met fin à l’incertitude issue d’un arrêt du 4 décembre 2012, lequel avait admis que « lorsque les faits reprochés au salarié donnent lieu à l’exercice de poursuites pénales l’employeur peut, sans engager immédiatement une procédure de licenciement, prendre une mesure de mise à pied conservatoire si les faits le justifient ». Cet arrêt se contente d’introduire une exception au principe d’engagement immédiat de la procédure de licenciement, lequel demeure la règle.